samedi 29 octobre 2011

Indigné?

Tout le monde en parle depuis certains évènements espagnols.
Ça fait un moment que je veux m'exprimer sur ce sujet, aujourd'hui je vais essayer de partager mon point de vue par rapport à ce mouvement/mode de pensée.

Avant tout, pourquoi je pense que ça vaut la peine d'en parler?

Pour plusieurs raisons, la première étant qu'il s'agit d'un mouvement international et populaire au sens strict du terme. Pas de parti politique, pas de lobby, juste la voix (d'une partie) du peuple de nombreuses nations développées (contrairement au Printemps arabe par exemple). A ce titre je peux déjà me sentir proche/concerné et assez intrigué que pour m'y intéresser.
D'autre part, la multitude et surtout la différence des avis à ce sujet ne permettent pas de paresseusement se remettre à l'avis d'une personne ou d'un groupe de personnes sans plus y penser que ça.
Dès lors que j'ai eu commencé à y prêter attention, j'ai rapidement été confronté à une impression récurrente. L'impression étrange d'un décalage systématique entre les médias classiques (et l'opinion générale, soyons honnêtes) et les articles spécialisés (frôlant parfois le pamphlet). La réaction généralisée de minimisation de l'information (ou de diabolisation du mouvement) m'a paradoxalement donné envie d'en savoir plus.
Bien que, je l'accorde, cet état de fait tend doucement à disparaître tant le mouvement prend de l'importance (enfin, on peut toujours considérer qu'au lieu d'ignorer le mouvement, il est plus efficace de déclarer le soutenir).




Contre quoi faut il s'indigner?

Les médias, les forces politiques, les lobbys économiques ou religieux et, de façon plus générale, les personnes ou groupes de personnes guidant l'Humanité à son propre déclin. 
Les lobbys pour créer et manipuler les conflits au profit d'un groupe très limité de gens.
Les politiques pour dilapider l'espoir et la confiance qu'ont les Hommes en eux et en leur société.
Et les médias pour prendre parti, la plupart du temps par manque d'attention/information (et donc de professionnalisme pour un journaliste) en avançant des informations non vérifiées et sans présenter l'avis contraire (que penser du 11 septembre? des morts suspectes d'Hussein, Ben Laden et Kadhafi? Si vous découvrez ces informations subversives pour la première fois, peut-être que vous vous fiez trop à votre poste de télévision).

Bien entendu, il y'a des Humains honnêtes dans le monde des médias, de la politique, de la religion et de l'économie. Il y'a aussi beaucoup trop de personnes très mal informées qui crient sans vraiment s'être intéressé au problème. Souvent un complot est une conclusion plus simple qu'une multitude complexe de petites réactions. Le premier danger dans le devoir de critique est de tirer à boulets rouges sur tout ce qui bouge, sans distinction. Malheureusement, bien que la vigilance reste un devoir citoyen, à trop en user on l'abandonne au profit d'une paranoïa entraînant invariablement une décridibilisation parfois définitive.

Comment faut il s'indigner?

La crédibilité est un paramètre déterminant dans la lutte pour un idéal. Dans le cas qui nous occupe, je remarque un paradoxe : pour toucher la population, il faut l'aide du système en place or le système en place ne souhaite pas que certaines informations, subversives ou du moins divergentes émergent. Dès lors un dilème se pose : se passer de l'approbation du système (système auquel adhère pour la plupart la population -et qu'elle sera souvent prête à défendre-) et appliquer sa démarche envers et contre tous pour un plus grand dessein? ou, à la façon du cinquième pilier, infiltrer le système pour le révéler et le modeler de l'intérieur?
Certains ont choisi de se passer de l'approbation du système, estimant que "quand la personne nous dit de faire ceci comme cela et que cette personne est mon propre ennemi nous tentons de contrecarrer ses règles et d'en inventer des nouvelles", d'autres, après avoir acquis assez de réputation, peuvent se permettent d'essayer de changer ouvertement les choses. L'idée des premiers étant de clamer leur différence pour mieux l'opposer à l'existant, tandis que les seconds optent pour une approche plus progressive, plus douce aussi en général en essayant de convaincre l'autre camp.
Les deux approches se défendent et sont applicables à différents niveaux. Elles ont leurs propres slogans : "Be the change you want to see in the world" (Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde, remarquez que ce qu'en pense le monde importe peu) contre "Keep your friend close, keep your ennemy closer" (Gardez vos amis à proximité, gardez vos ennemis plus près encore). Des citations pas forcément contradictoires mais qu'on imagine difficilement se chevaucher sur certains sujets.

Si vous me demandez de quel côté je me situe, je répondrais qu'il n'est pas possible de garder un point de vue statique dans un monde dynamique à moins de souhaiter se retrouver hors course irrémédiablement. 
Je reste convaincu qu'on ne peut pas gagner ce défi si on n'est pas intimement convaincus de son existence et pour cela un travail (avant tout d'information) auprès des acteurs (des élus aux simples citoyens) de la crise actuelle est nécessaire. Cependant, pour garder un objectif "pur" il convient de ne pas se laisser manipuler par le pouvoir établi, et garder ses propres rêves et là je suis d'accord : ce qu'en pense le monde importe peu.
En résumé : soyons indomptables sur nos idéaux et modérés dans nos actions.

Cela dit, il y'a plusieurs aspect qui me semblent dangereux à vouloir changer le monde, guidé par ses propres idées. Le premier qui me vient à l'esprit, c'est que l'on essaye de le façonner au dépend (de l'avis) du reste de ses pairs (qui ici sont en plus majoritaires). Un peu comme faire la guerre pour obtenir la paix ou tuer un terroriste pour amener la démocratie : à vouloir propager de force un idéal on le corrompt inexorablement. Avec assez de recul, la manœuvre prend une dimension cynique. D'un autre côté, je ne pense pas qu'il soit donné à tout le monde d'avoir les capacités psychologiques et morales de travailler dans et pour un système qu'il rejette profondément. L'approche "douce" frôle donc probablement un peu avec la schizophrénie (au lieu de rejeter la réalité on la saupoudre d'espoir, ça fait aussi de nous des Humains parait-il).
Saluons au passage la belle citation d'Henri Bergson "il faut agir en homme de pensée et penser en homme d’action", bien que cela ne nous avance que théoriquement sur la concrétisation d'une pensée en action.

Alors que faire?

Que faire face à un problème dépassant de loin notre propre petite existence? Je pense que c'est la question de fond qui rassemble les Indignés d'Europe, les Arabes du Printemps et les Occupants de Wall Street. Tous ces mouvements semblent avoir instinctivement compris quelques leçons :
  1. Rassembler des gens. L'establishment est une machine en place depuis longtemps, la population y est habituée (certains dirons "soumise"). Rassembler des gens permet de gagner en visibilité (on remarque mieux une collectivité qu'un individu), en influence (si plusieurs de mes amis vantent un nouveau restaurant controversé, je serais plus enclin à l'essayer) et en opportunités (plus d'individus = plus de clés).
  2. Organiser sa communication. Ce point-ci n'a pas forcément été très (/assez?) travaillé cependant, [je l'ai vu lors de la manifestation du 15 octobre où, malgré le peu de médiatisation de cet évènement par les médias traditionnels (journal, journal télévisé, journal radio), plus de 6500 personnes étaient présentes]. Manifester est une forme de communication, c'est dire aux dirigeants "nous ne sommes pas d'accord", cela reste de la communication. Lutter contre la désinformation est un travail de communication. Je dirais même qu'il s'agit de la bataille la plus juste à mon sens car elle ne doit épargner aucun camp pour être prise au sérieux. Je reste ravi de constater que certains mouvements ont pleinement pris possession de leur droit de réponse. La réponse, avec la question constituant les briques élémentaires de la communication.

On peut placer la propagande à cheval sur les deux précédentes, il ne s'agit au fond "que" de convaincre et  de faire rallier les gens à une cause, je ne la qualifierai donc pas d'action dans ce contexte-ci (il est plaisant d'imaginer un monde où tout le monde a rallié la dite cause uniquement à la force d'arguments, résolvant ainsi partiellement le problème et devenant par là même une action, mais je ne crois malheureusement plus au père Noël).

La troisième étape, à mon sens, est l'action.

Oui mais alors.. que faire? en groupe ou isolé (ou groupe isolé), que peut-on bien faire?
J'aime y réfléchir de temps en temps mais -heureusement- je ne suis pas le seul, sinon je serais probablement resté sur l'évidence qu'il faut s'intéresser au Monde, s'ouvrir, s'inquiéter, se sentir concerné et se réjouir.

Je suis certain que cette question centrale est plus philosophique que politique, et c'est auprès de l'un d'entre eux (philosophes) que j'ai trouvé un début de réponse : Voltaire.
Dans "Candide ou l'Optimisme", Voltaire décrit la découverte du Monde par un héros naïf (au début) qui laissera (au minimum) l'héritage de son prénom à la langue française. Je vous invite à le lire, ou à en lire un résumé, mais l'ouvrage se termine par une phrase clé "Il faut cultiver son jardin". Voici un petit passage Wikipedia à ce propos "Elle (NDLR: la citation) met le point final à l'histoire et ce n'est pas pour rien, car cultiver son jardin est une métaphore de la croissance personnelle. Il faut « se cultiver » (...) Tout au long du conte, Candide fera un voyage physique et psychologique qui l'amènera à comprendre que (...), l'être humain reste condamné à être soit malheureux (...) soit ennuyé (...). Ainsi la seule façon d'y échapper est de passer de la réflexion philosophique (comme l'a fait Candide) à des actions concrètes respectant nos limites. Pour Candide, il s'agit de s'occuper de sa terre, ce qui l'empêche à la fois de s'ennuyer ou de philosopher sur le malheur des hommes."

Par cette simple phrase, Voltaire nous renvoie à notre propre curiosité et instruction ("il faut se cultiver"), à notre dimension ("en respectant nos limites") et à nos outils de jardinage (comme moyen de concentration d'après l'auteur, mais aussi comme moyen partiel de faire avancer les choses). L'idée de se cultiver (avant de/) pour cultiver le monde est ici bien présente. Et je la trouve pleine de sens.

La culture de votre jardin peut prendre des formes variées, ça va de comportements citoyens, éco-responsables à simplement l'écoute ou la prise de parole dans vos groupes d'amis, dans votre famille. Ça va de la vision de documentaires à la signature de pétitions. Encore une fois, lorsque vous développez cette culture, faites attention aux mauvaises herbes, qu'elles soient OGM ou anarchiques !

Si vous vous sentez isolés au moment d'agir, il n'y'a que deux choix possibles : vous regrouper pour gagner en influence ou soumettre une pression aux groupes ayant déjà accès au pouvoir, ou du moins à l'influence.

Si vous ne voyez pas ce qui ne va pas, intéressez-vous au monde !
Si en le regardant par le prisme de votre tube cathodique, vous ne voyez toujours pas, regardez autrement !
Si vous voulez savoir quoi faire, cultivez vous !
Si vous voulez savoir comment le faire, cultivez-vous !
Si vous faites votre maximum, dans le cadre de vos limites, soyez heureux !


1 commentaire:

  1. En tant qu'épicurienne optimiste, j''aurais mis la dernière phrase en premier conseil: soyez heureux!
    Pour le reste, je trouve ton texte tout à fait réfléchi et bien rédigé: j'aime beaucoup... surtout la citation "soyons indomptables sur nos idéaux et modérés dans nos actions".

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